Differents trains REICH

Artiste / Auteur/ Commanditaire : Steve REICH
Titre de l’oeuvre : Differents trains
Date de création : 1988
Genre : musique minimaliste, électroacoustique
Style, Mouvement, courant artistiques : contemporain

Fiche d’identité de l’artiste (biographie) :

Steve Reich (3 octobre 1936 à New York), est un musicien et compositeur américain. Il est considéré comme l’un des pionniers de la musique minimaliste.
Pour caractériser ses compositions de la période 1965-1976, il utilise l’expression « musique de phases » (traduite de l’américain Phasing). Le phasing se construit à partir d’un court motif musical répété indéfiniment. Chaque musicien répète ce motif en boucle, mais avec un décalage entre les voix.
À partir de 1976, il développe une écriture musicale basée sur le rythme et la pulsation avec l’une de ses œuvres les plus
importantes, Music for 18 Musicians, qui marque le début de son large succès international. Dès lors reconnu comme un compositeur contemporain essentiel, il oriente son travail de composition autour de la mise en musique du discours, notamment dans des œuvres multimédia associant la vidéo créées en collaboration avec son épouse Beryl Korot.
Bien qu’ayant joué un rôle central dans l’évolution de la musique contemporaine, Steve Reich reste toutefois un compositeur peu prolifique qui n’a écrit, durant l’ensemble de sa carrière, qu’une cinquantaine de pièces distinctes. Celles-ci lui ont cependant valu de nombreux prix et distinctions internationaux et font l’objet d’une très importante discographie.

Ce que j’ai appris sur l’oeuvre :

L’œuvre est constituée de 3 parties :
America-Before the War 9′ –
Europe-During the War 7’30″ –
After the War 10’30″

Création de l’oeuvre

« Voilà ce que j’ai fait pour préparer la bande magnétique :
J’ai enregistré ma gouvernante Virginia, maintenant âgée de plus de soixante-dix ans, qui évoque nos voyages en train.
J’ai enregistré un ancien employé des wagons-lits sur la ligne New York-Los Angeles, maintenant à la retraite et âgé de plus de quatre-vingt ans : M. Lawrence Davis, qui raconte sa vie.
J’ai rassemblé des enregistrements de survivants de l’Holocauste : Rachella, Paul et Rachel, tous à peu près de mon âge et vivant aujourd’hui en Amérique, qui parlent de leurs expériences.
J’ai rassemblé des sons enregistrés de trains américains et européens des années 1930, 1940.
Pour combiner les conversations sur bande magnétique et les instruments à cordes, j’ai sélectionné des exemples brefs de discours, aux différences de ton plus ou moins marquées, et je les ai transcrits aussi précisément que possible en notation musicale. 
Ensuite, les instruments à cordes imitent littéralement la mélodie du discours.

Contexte historique de création :

Cette musique fait référence à la seconde guerre mondiale en mémoire aux déportés d’Europe convoyés dans les trains vers les camps de concentration. Steve Reich sous-entend que s’il avait vécu en Europe à cette époque, en tant qu’enfant juif, ce sont ces « trains bien différents » qu’il aurait probablement dû prendre.

Portée ou influence de l’œuvre

Cette musique évoque les trains en partance pour les camps de concentration ou d’extermination durant la seconde guerre mondiale. Des fragments d’interviews de survivants de l’Holocauste et les ambiances sonores créées notamment à l’aide de bruits de trains et de sirènes, nous renvoient à l’horreur de la Shoa.

La musique est jouée par des instruments acoustiques (cordes frottées).
Les bruits de trains et les dialogues sont produits par un sampler.

Le quatuor à cordes imite le mouvement du train en jouant un motif rythmique extrêmement simple, sur 2 notes. Un des principes de base de la composition est l’imitation par le quatuor de la mélodie du discours des personnes interviewées.
Steve Reich se sert donc de l’intonation vocale comme motif mélodico-rythmique qui va systématiquement être développé par les cordes.

L’OEUVRE EST DONC CONSTITUEE DE :

1/ Son de sirène (enregistré)
2/ Ostinato des cordes avec répétition et déphasage (enregistré).

Explication du vocabulaire :
Ostinato : répétition obstinée d’un motif musical.
Déphasage ou « phasing » : se construit à partir d’un court motif musical répété indéfiniment. Chaque musicien (ou magnétophone) répète ce motif en boucle, mais avec un décalage, décalage qui augmente et diminue au cours de la pièce. Ce procédé a surtout été utilisé par S. Reich et Terry Riley.
3/ Extraits de voix parlée (enregistrés)
4/ Utilisation du discours parlé comme matériau musical : reproduction par les instruments de l’intonation des fragments de parole.

Les fragments parlés utilisés constituent un discours organisé.

Voici la traduction :

1940
le jour de mon anniversaire
Les Allemands sont entrés
sont entrés en Hollande 
Les Allemands ont envahi la Hongrie
j’étais à l’école primaire
j’avais un professeur
un homme très grand, ses cheveux étaient gominés
Il a dit : « des Corbeaux Noirs ont envahi notre pays, il y a de nombreuses années »
et il m’a montré du doigt
Plus d’école !
Il faut que tu partes 
et elle a dit : « Va t’en vite ! »
et il a dit : « Ne respire pas ! »
dans ces wagons à bestiaux
pendant quatre jours et quatre nuits
ensuite nous sommes passés par ces endroits aux noms étranges
Des noms polonais
Là il y avait beaucoup de wagons à bestiaux
Ils étaient bourrés de monde Ils nous ont rasé

Ils nous ont tatoué un matricule sur le bras
Des flammes montaient vers le ciel – il y avait de la fumée

En quoi l’œuvre a-t-elle marqué son temps ?
Cette pièce constitue une nouveauté dans l’écriture de Reich qui utilise pour la première fois des enregistrements d’interviews réalisés pour l’œuvre, et non de simples bandes magnétiques retravaillées, comme matériau musical.

Liens avec d’autres oeuvres que j’ai rencontrées :

M. GÓRECKI (1933 – 2010) : Symphonie n° 3 , « des chants plaintifs » 2ème mouvement, ou une soprano chante des inscriptions faites par une jeune fille de 18 ans retrouvées sur le mur d’une prison de la Gestapo à Zakopane (Pologne).

NUIT ET BROUILLARD, chanson de Jean Ferrat (1963)
Nuit et Brouillard (en allemand : Nacht und Nebel : décret de 1941 stipulant que toutes les personnes représentant un danger pour la sécurité de l’armée allemande (saboteurs, résistants) seraient transférées en Allemagne et disparaîtraient dans le secret absolu. Jean Ferrat a écrit cette chanson en mémoire des victimes des camps de concentration nazis de la Seconde Guerre mondiale, et en particulier en mémoire de son père, Juif émigré de Russie mort dans le camp d’ Auschwitz.